Innover par et avec les usager.e.s : territoires ruraux vivants et technologies appropriées [MCDR]

Répondre à des besoins réels, lutter contre l’isolement et la disparition des paysan·ne·s, encourager une agriculture résiliente… Autant d’enjeux poursuivis par UsageR·E·s, "un projet multifacette avec des problématiques techniques et trois publics cibles : les futur·e·s paysan·ne·s, les paysannes et les paysan·ne·s en difficulté", détaille Morgane Laurent, sociétaire de la SCIC l’Atelier Paysan et coordonnatrice du projet MCDR de 2019 à 2022. Pendant plus de trois années d’expérimentations, d’enquêtes ou de formations, les huit partenaires du projet ont œuvré à partager et valoriser des innovations en faveur de l’agroécologie, des savoir-faire locaux, de la création d’activités et de l’égalité femmes-hommes dans le monde rural.

Diffuser et accompagner l’innovation paysanne

Sur le terrain, dans les fermes, les partenaires ont recensé des innovations paysannes dans de nombreux domaines tels que le bâti, l’électronique, l’apiculture ou la traction animale. Aujourd’hui documentés, ces savoirs, pratiques et outils sont diffusés en accès libre dans l’objectif d’être appropriés, réutiliSés, améliorés… "C’est ainsi que certaines machines en sont à leur 6 e version pour mieux s’adapter à l’usage, au contexte et aux besoins de chacun" commente

Morgane Laurent. Dans la volonté de "développer les pratiques agroécologiques et de favoriser l’autonomie des paysan·ne·s et des porteur·euse·s de projet", l’Atelier Paysan a par ailleurs accompagné des groupes dans la conception d’outils et de bâtis agricoles. Cahier des charges, prototypages, tests, modifications… Les processus de R&D participative se sont notamment traduits par la réalisation d’agroéquipements qui "vont à rebours de l’escalade énergétique et technologique". Des exemples ? Le distributeur d’engrais organiques, la bineuse guidée à assistance hydraulique, le semoir viticole à disques ou encore le Strip-till, un outil de préparation du sol pour le maraîchage sous couvert.

Restructurer pour mieux transmettre

La restructuration des fermes a aussi fait l’objet d’une enquête menée auprès de 17 structures afin d’identifier les conditions favorables à la réussite d’une reprise quand une ferme évolue.

État des bâtiments, accès au foncier, compétences, relations humaines… Les freins et leviers identifiés sont synthétisés dans un rapport qui promeut "un nouvel accompagnement des cédant·es et repreneur·euses". Dans ce cadre, le Réseau CiVAM a par ailleurs conçu un module de formation spécifique à ce public, Gaec & Sociétés a proposé des méthodes d’évaluation des bâtiments agricoles dans le cadre d’une reprise tandis que RENETA s’est focalisé sur les outils de tests à mobiliser dans le cas de reprises sous forme de restructuration.

De l’agricole au rural

Questionner, recenser, analyser, expérimenter… La méthodologie déployée dans le cadre d’UsageR·E·s s’apparentait à une démarche scientifique. Des collaborations avec des sociologues ont par exemple nourri une recherche axée autour d’une question : quel(s) rapport(s) les agricultrices ont-t-elles aux questions techniques sur leurs fermes ? "Ce travail a interrogé notre propre pédagogie de chantier pour favoriser la participation active des femmes, le confort de travail ou l’implication du collectif", témoigne Morgane Laurent. Avec l’appui de Cap rural, les travaux de recherche se sont étendus aux problématiques du développement rural et de l’accessibilité des savoirs, des financements, des outils, de l’information, etc. Finalité de ce travail : tisser du lien entre les organisations de développement agricole et rural afin d’améliorer l’accompagnement proposé aux paysan·nes.

Des enseignements et des recommandations

"UsageR·E·s a contribué à partager des valeurs et des habitudes de travail avec des structures issues de sphères et de réalités territoriales différentes, résume Morgane Laurent. Nous avons noué des relations pérennes et poursuivons dans cette dynamique partenariale." En croisant leurs regards et en interrogeant leurs pratiques, les porteurs d’UsageR·E·s ont abouti sur un ensemble de préconisations à destination des décideurs. "Notre projet a permis de souligner le besoin de soutien financier et humain aux structures qui portent une vision différente de l’agriculture, ainsi que la nécessaire implication des pouvoirs publics."